La dématérialisation de la justice concerne tant les écrits que l’oralité en procédure. La première étape du processus de dématérialisation des écrits (actes, documents, moyens de preuve, etc.) consiste à passer d’une boîte aux lettres postale à une boîte aux lettres électronique et du dossier papier au dossier électronique consultable sur une plateforme numérique. L’utilisation de la communication électronique et de plateformes en ligne par les tribunaux n’a pas fait son apparition en même temps partout sur le globe. Certains pays ne disposent d’ailleurs toujours d’aucune de ces formes de dématérialisation de la justice ou n’ont accès qu’à la communication électronique. En Suisse, depuis 2007, il est possible de déposer des recours par voie électronique auprès du Tribunal fédéral (art. 42 al. 4, 48 al. 2 et 60 al. 3 de la Loi sur le Tribunal Fédéral (LTF) ; Règlement du Tribunal fédéral du 5 décembre 2006 sur la communication électronique avec les parties et les autorités précédentes en vigueur jusqu’au 1er avril 2017 [RCETF ; RS 173.110.29] abrogé et remplacé en 2017 par le Règlement du Tribunal fédéral du 20 février 2017 sur la communication électronique avec les parties et les autorités précédentes [RCETF ; RS 173.110.29]). Depuis 2011, avec l’entrée en vigueur du Code de procédure civile (CPC), il est également possible de déposer des recours par voie électronique en procédure civile au niveau cantonal. Tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal, le dépôt électronique demeure toutefois anecdotique (https://www.bger.ch/fr/index/federal/federal-inherit-template/federal-faq/federal-faq-9.htm ; Fischer Sylvie, L’information de la justice ne séduit pas les avocats, Plaidoyer 6/2015).

La Suisse ne connait pour l’heure pas encore le dossier électronique dans le domaine judiciaire. Cela ne saurait tarder, car le projet Justitia 4.0 a spécifiquement pour dessein la mise en place dès 2026 d’une plateforme numérique unique en Suisse. Celle-ci permettra le dépôt informatique d’actes judiciaires, la consultation en ligne des dossiers ainsi que la communication électronique entre les acteurs du procès que ce soit au niveau cantonal ou fédéral, en procédure civile, pénale ou administrative (https ://www.justitia40.ch/fr/ ; https://www.bger.ch/fr/index/federal/federal-inherit-template/gericht-elektronischer-verkehr-1.htm). Afin justement de poser les jalons de la communication électronique dans le domaine judiciaire, le Conseil fédéral a envoyé en consultation, le 11 novembre 2020, la nouvelle loi fédérale sur la plateforme de communication électronique dans le domaine judiciaire (LPCJ) (communiqué du 11 novembre 2020 du Conseil Fédéral sur la plateforme de communication électronique dans le domaine judiciaire).

Tout comme les écrits, l’oralité peut être dématérialisée en procédure. La vidéoconférence permet cette dématérialisation soit par une transmission simultanée du son et de l’image aux seuls intervenants à la procédure, avec ou sans enregistrement, soit par une diffusion en direct ou en différé du son et de l’image sur un canal public tel qu’internet. Le Code de procédure pénale (CPP) contient, depuis son entrée en vigueur en 2011, une base légale prévoyant la possibilité de recourir, à certaines conditions, à un système de vidéoconférence selon le premier sens de ce terme cité ci-avant (art. 144 CPP). En revanche, le Code de procédure civile ne connait pas de base légale permettant d’utiliser la vidéoconférence. Seule l’Ordonnance du 16 avril 2020 instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) permet, à certaines conditions et dans des cas spécifiques, de recourir à un tel système dans le cadre de la procédure civile. Le Conseil fédéral prévoit dans son Message du 26 février 2020 relatif à la modification du Code de procédure civile suisse (Amélioration de la praticabilité et de l’application du droit) (FF 2020 p. 2658 et 2660) d’introduire des dispositions relatives à la vidéoconférence au sein du CPC. Il propose l’introduction d’un art. 170a et la modification des art. 187 et 193 CPC pour permettre l’audition des témoins, des experts et des parties par vidéoconférence (FF 2020 p. 2658 et 2660). Le but de ces nouvelles dispositions est de « faire de la Suisse un haut lieu de la justice internationale » (FF 2020 p. 2658).

Les Etats-Unis (https://lawandcrime.com/live-trials/), la Chine (http://tingshen.court.gov.cn/), le Canada (https://www.scc-csc.ca/home-accueil/index-fra.aspx et https://www.scc-csc.ca/case-dossier/info/webcasts-webdiffusions-fra.aspx) ou encore l’Italie (http://www.ungiornoinpretura.rai.it/dl/portali/site/puntata/list/ContentSet-6bf4a76c-fa25-4b9d-8eb6-299d38b1333e.html), pour ne citer que quelques exemples, autorisent quant à eux et contrairement à la Suisse la retransmission en direct ou en différé des images et du son d’une audience sur un canal public, sous certaines conditions. La Cour européenne des droits de l’homme (https://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=hearings&c=fre) le permet aussi pour les audiences publiques, tout comme la Cour pénale internationale (https://www.icc-cpi.int/?ln=fr).

Lorsque tant les écrits que l’oralité sont dématérialisés, nous sommes face à un tribunal en ligne. A ce titre, le premier tribunal au monde opérant entièrement en ligne a été mis en place en 2017 dans la ville d’Hangzhou située dans la province du Zhejiang en République populaire de Chine (Gianna Abegg / Felix Engelhardt, China Takes Online Dispute Resolution to the Next Level, Jusletter weblaw 4 mars 2019).

Pour davantage d’informations, vous trouverez nos recherches détaillées sur la dématérialisation de la justice dans les publications suivantes :

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SNSF assistant in the Chair of Civil Procedure and Law of Legal Professions at the Faculty of Law of the University of Neuchâtel and lawyer in Neuchâtel, with a particular interest in the impact of new technologies on civil procedure, whether it is its dematerialization or its automation.