Le contrôle des concentrations s’applique-t-il aux concentrations d’entreprises sur la blockchain ?

La Suisse connaît un système de contrôle des concentrations d’entreprises qui charge la Commission de la concurrence (la Comco) d’autoriser, d’interdire ou de soumettre à conditions une opération par laquelle une entreprise acquiert le contrôle d’une autre entreprise.

La loi sur les cartels s’applique notamment aux entreprises de droit privé ou de droit public qui participent à des concentrations d’entreprises. Les concentrations d’entreprises comprennent la fusion d’entreprises jusque-là indépendantes, et plus généralement, toute opération par laquelle une ou plusieurs entreprises acquièrent, notamment par prise de participation au capital ou conclusion d’un contrat, le contrôle direct ou indirect d’une ou de plusieurs entreprises jusque-là indépendantes ou d’une partie de celles-ci.

La définition d’une entreprise et d’une concentration d’entreprises étant formulées de manière ouverte, une Decentralized Autonomous Organization (DAO) pourrait correspondre à la notion d’entreprise au sens de la loi sur les cartels. Une concentration d’entreprises pourrait donc survenir en cas d’acquisition par une DAO de tokens d’une autre DAO, jusque-là indépendante.

En Suisse, le contrôle des concentrations d’entreprises par la Comco dépend du chiffre d’affaires réalisé en Suisse par les parties à la concentration. Les entreprises doivent notifier leur opération à l’autorité lorsqu’au moins deux des parties ont réalisé individuellement en Suisse un chiffre d’affaires minimum de CHF 100 Mio, et qu’elles ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires minimum de CHF 2 Mia ou un chiffre d’affaires en Suisse d’au moins CHF 500 Mio. La valeur d’acquisition d’une entreprise par l’autre, par exemple, n’entre pas en ligne de compte, ni des revenus futurs ou les potentiels de développement des parties ou du marché sur lequel elles sont actives.

Lorsqu’elles atteignent les seuils précités, les entreprises doivent notifier leur concentration à la Comco. L’autorité détermine alors le risque que la concentration crée ou renforce une position dominante capable de supprimer la concurrence efficace. En fonction de ce risque, elle laisse la concentration se réaliser, ou alors elle l’interdit ou la soumet à conditions. Si les parties réalisent la concentration sans autorisation de la Comco, celles-ci s’exposent à une sanction administrative allant jusqu’à un million de francs.

Dès l’entrée en vigueur du projet de loi sur la TRD, les DAO pourraient être soumises au contrôle des concentrations en Suisse. La loi ne prévoit cependant pas un volet lié au droit des cartels, en raison du fait que celui-ci semble suffisamment largement formulé dans sa teneur actuelle pour comprendre des concentrations d’entreprises sur la blockchain. Cependant, il n’est pas clairement défini aujourd’hui, par quel mécanisme des DAO, par définition gouvernées de manière fortement décentralisée, pourront se conformer au droit de la concurrence, notamment à leur devoir d’annoncer la concentration ou pourront s’abstenir de poursuivre leur opération avant l’obtention d’une décision. Il n’est pas davantage déterminé comment la Comco pourrait infliger une sanction à une DAO.

En matière de droit de la concurrence, il reste encore du chemin à parcourir pour soumettre efficacement les DAO au contrôle de la Comco, pour le bien de la concurrence efficace et, au final, dans l’intérêt des consommateurs.

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Dr iur in comparative competition law, attorney at law. Valentin works as a court clerk at the Federal Supreme Court of Switzerland as well as a lecturer in obligation law. Passionate about Blockchain and Smart contracts.