La lutte contre le réchauffement climatique est de toute évidence un des défis les plus importants de ce siècle. Les rapports réguliers réalisés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) mettent en évidence les effets du réchauffement climatique et la nécessité de réduire les émissions de CO2 afin de préserver la planète pour les générations futures. Les constats émis nous conduisent à repenser notre manière d’utiliser l’énergie et à mettre en place une transition énergétique permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. En conséquence, la modification de nos comportements de consommation visant à pouvoir atteindre à terme des modes de vie plus durables et une utilisation plus raisonnée de l’énergie s’avère indispensable.

Or comme on le sait, changer nos comportements n’est pas chose aisée. D’autant que nous pouvons avoir des niveaux de durabilité différents par axe de consommation. Le niveau de durabilité dans ce contexte est lié au niveau de pollution relatif à un acte d’achat ou à l’utilisation d’un bien ou d’un service. En effet, un individu achetant des produits locaux en vrac dans un magasin de proximité spécialisé mais se rendant systématiquement en voiture au travail tous les jours, s’il n’impacte que faiblement son niveau de durabilité lié au domaine alimentaire, affecte de manière conséquente celui lié à la mobilité. Ainsi connaître les niveaux de durabilité d’un individu sur ses différents axes de consommation s’avère prépondérant pour mettre en place des interventions et des politiques publiques adéquates. En outre, cela pourrait permettre d’intervenir de manière pertinente dans l’accompagnement des citoyens vers un changement de mode de vie plus durable.

Pour ce faire, de nombreux outils permettant le calcul de l’empreinte carbone d’un individu sont déjà disponibles en ligne. Toutefois, ceux-ci ne fournissent généralement qu’un résultat global permettant de comparer la moyenne de consommation énergétique d’un individu à d’autres individus habitant dans la même région ou le même pays. Dans notre travail de recherche, nous avons souhaité aborder la problématique de la prédiction du niveau de durabilité de plusieurs axes de consommation en fonction de plusieurs de ses caractéristiques spécifiques (démographiques, psychologiques, etc.). Cette prédiction permettrait par conséquent de détecter automatiquement le profil d’un individu afin de lui proposer des incitations positives personnalisées qui pourraient l’aider à adopter un mode de vie plus durable.

Pour répondre à cette problématique, nous avons utilisé des données acquises par le Centre de compétence pour la recherche en énergie, société et transition (SCCER – CREST) qui sont liées à la consommation énergétique, sur plusieurs années, de 5000 ménages représentatifs de la population suisse. Cette étude visait plus précisément à collecter, au travers d’une série de questionnaires, des données relatives à trois axes de consommation : le chauffage, l’électricité et la mobilité, ainsi que des données démographiques, psychologiques et sociales.

Nous avons d’une part exploré s’il était possible de prédire le niveau de durabilité de différents axes de consommation (ex. le mode de transport utilisé par un individu entre le lieu d’habitation et le lieu de travail) sur la base de données, notamment démographiques et/ou psychologiques qui n’ont, pour la plupart d’entre elles, aucun lien direct avec la manière de consommer de l’intéressé. À cette fin, différentes techniques de prédiction utilisées en machine learning ont été comparées. Nous avons dès lors pu mettre en évidence qu’il était possible de prédire la durabilité d’axes de consommation mais également de mettre en évidence les caractéristiques susceptibles d’avoir le plus d’influence sur ces dernières, s’agissant notamment de l’incidence du contexte géographique sur la prédiction du niveau de durabilité du mode de transport utilisé. Ces premières analyses nous ont par ailleurs permis de confirmer la pertinence de l’utilisation des approches ensemblistes en termes de précision de prédiction. En effet, ces dernières visent à construire et à utiliser plusieurs modèles prédictifs versus l’utilisation d’un modèle unique.

D’autre part, nous avons développé un framework permettant de prédire les niveaux de durabilité d’un individu par axe de consommation, capable d’inclure différentes granularités, ceci afin d’obtenir son profil global sous la forme d’une structure arborescente. En définitive, il semblerait donc possible de générer des profils de durabilité d’individus en termes de consommation à partir de données qui leur sont propres.

Les perspectives potentielles découlant de ces travaux nous autorisent à penser qu’il serait intéressant de lier ce framework à plusieurs services à même de délivrer des incitations positives et de le tester au sein d’un contexte métier concret en temps réel. À titre d’exemple, il serait envisageable de créer des incitations positives telles que des nudges écologiques au sein d’une application utilisée dans le contexte de la mobilité, des voyages ou de l’alimentation.

Pour plus d’informations, voir Moro Arielle / Holzer Adrian, A Framework to Predict Consumption Sustainability Levels of Individuals,  Sustainability, vol. 12 (4), 2020, p. 1-26 et Moro Arielle / Holzer Adrian, Supporting Green IS through a Framework Predicting Consumption Sustainability Levels of Individuals, International Conference of Information Systems (ICIS), Munich, 2019.

Auteur(s) de cette contribution :

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Adrian Holzer est professeur de management des systèmes d'information à l'université de Neuchâtel. Il est titulaire d'un doctorat en systèmes d'information de l'Université de Lausanne. Il a été chercheur associé à l'EPFL, co-responsable de la plate-forme interdisciplinaire de l'Université de Lausanne et chercheur au FNS à l'Ecole Polytechnique de Montréal. Ses intérêts de recherche couvrent la transformation digitale dans les contextes organisationnels, éducatifs, et humanitaires.

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Arielle Moro a réalisé un doctorat en systèmes d’information à l’université de Lausanne (UNIL) à propos de la prédiction de la mobilité et de la protection des données géo-localisées. Elle est actuellement post-doctorante à l’Institut du management de l’information (IMI) et chargée d’enseignement à l’université de Neuchâtel (UniNE). Ses intérêts de recherche se focalisent sur l’utilisation de techniques d’apprentissage automatique pour analyser les comportements humains dans des domaines variés, tels que la mobilité, la durabilité, l’enseignement et la santé.