Le droit des assurances sociales et son système de financement sont étroitement liés à l’évolution du monde du travail. Avec la révolution numérique, ou révolution 4.0, il est essentiel de nous interroger sur les défis auxquels est confronté notre système de sécurité sociale. Il est notoirement admis que la viabilité de certaines assurances sociales est mise à mal par l’augmentation des coûts des soins de santé, par le vieillissement de la population active ou par la disparition du prélèvement de certaines cotisations sociales. Dans ce contexte, la révolution numérique constitue un facteur qui renforce cette déstabilisation. Elle se traduit principalement par l’apparition d’emplois atypiques, pour lesquels il est difficile de qualifier juridiquement le statut de ces nouveaux travailleurs et nouvelles travailleuses. Par exemple, quid du statut des chauffeurs-euses Uber ? Doit-on les qualifier de travailleurs-euses salarié-e-s ou d’indépendant-e-s ? Sur ce point, le Tribunal cantonal vaudois reconnaît, dans son arrêt du 23 avril 2020, que le service de transport Uber doit être considéré comme un employeur, ce qui garantit aux conductrices et aux conducteurs concerné-e-s un droit à un salaire approprié, à des vacances rémunérées et aux cotisations sociales. Néanmoins, tant que notre Haute Cour ne tranche pas définitivement la question, celle-ci fera l’objet d’un flou juridique, avec les conséquences que cela entraîne. Si l’on considère que ces personnes exercent leur activité de manière indépendante, non seulement leur protection sociale serait amoindrie, mais le montant des cotisations sociales serait également moins important que s’ils/elles devaient être assimilé-e-s à l’autre catégorie. Bien plus, la robotisation des postes de travail profite certes à la bonne marche des entreprises mais réserve des surprises désagréables sur le financement des régimes d’assurances sociales : la suppression des emplois concernés provoque la disparition des cotisations qui étaient prélevées sur ces revenus, lesquelles servaient notamment à financer l’assurance-vieillesse et survivants, ce qui prive cette dernière d’une part non négligeable de ses ressources.

À la lumière de ces éléments, force est de constater que les effets, encore méconnus, de la révolution numérique s’imbriquent avec les difficultés que rencontre actuellement notre système de sécurité sociale, à tel point qu’il serait utile de repenser la question de son financement. À défaut, il faut accepter que le régime suisse des assurances sociales ne sera, à long terme, plus à même de garantir de manière suffisante la protection sociale des personnes assurées.

Pour une analyse plus détaillée de l’impact de la révolution numérique dans le domaine de la sécurité sociale, voir A.-S. Dupont, Révolution 4.0 et sécurité sociale, in : La révolution 4.0 au travail – Une approche multidisciplinaire, J.-P. Dunand et P. Mahon (éd.), Genève/Zurich/Bâle 2019, p. 122-140, et A.-S. Dupont, Réflexions décousues sur la viabilité de la prévoyance professionnelle dans le contexte de la numérisation du monde du travail, in : Piliers du droit social – Mélanges en l’honneur de Jacques-André Schneider, R. Wyler et B. Hummer (éd.), Berne 2019, p. 115-134.

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Doctoral assistant in the Chair of Social Security Law, at the Faculty of Law at the University of Neuchâtel. As a member of the LexTech Institute, I am particularly interested in the impacts of the digital revolution in insurance law.