La e-justice est au cœur des débats et des révisions législatives. Mais que vise-t-on exactement par-là ? Une présentation claire des différents types ou niveaux de e-justice est essentielle à sa bonne compréhension. Ce blog explique brièvement les concepts de justice dématérialisée, justice automatisée, et justice prédictive et propose des définitions.

Justice dématérialisée

La dématérialisation de la procédure concerne selon notre approche tant les écrits que la tenue d’audiences. Plus précisément, les écrits sur support papier ainsi que le dossier judiciaire physique peuvent être dématérialisés par la transmission et le dossier électroniques. Pour cela, il convient de passer de la boite aux lettres postale à la boite aux lettres électronique et du dossier physique au dossier électronique consultable sur une plateforme numérique.

L’audience orale en présentiel se déroule dans un tribunal ou au sein d’une autorité et recourt à un support physique, le procès-verbal. Ce procédé peut être dématérialisé par la vidéoconférence. Lorsque les écrits et les audiences sont dématérialisés, nous sommes face à un tribunal ou une autorité dématérialisé ou en ligne.

Justice automatisée

Le concept de justice automatisée fait référence à l’automatisation qui signifie l’« [e]xécution totale ou partielle de tâches techniques par des machines fonctionnant sans intervention humaine » [1].

L’automatisation de la procédure judiciaire ou de certaines phases de celle-ci nécessite, par définition, de recourir à une machine qui est en l’occurrence un ordinateur accompagné de ses outils informatiques dont notamment les algorithmes. Un algorithme est comparable à une recette de cuisine : il permet d’arriver à un résultat (Adrian van den Branden, Les robots à l’assaut de la justice: l’intelligence artificielle au service des justiciables, Bruxelles 2019, p. 6 ; Yannick Meneceur, L’intelligence artificielle en procès : Plaidoyer pour une réglementation internationale et européenne, Bruxelles 2020, p. 56) en suivant une suite de règles qui fonctionne sur le modèle « si … alors … » (Scarlett-May Ferrié, Les algorithmes à l’épreuve du droit à un procès équitable, in : La semaine juridique, no 11 du 12 mars 2018, p. 498). L’automatisation présuppose donc que la procédure ou la phase concernée réponde à des règles formelles exemptes de marge d’appréciation et donc modélisables sur le canevas susmentionné.

Chronologiquement, l’automatisation  intervient donc après l’avènement des outils informatiques. Le simple fait que les informations utiles soient disponibles sur un support informatique est suffisant pour automatiser une procédure ou une phase de celle-ci. L’automatisation de la procédure peut ainsi intervenir avant que la communication électronique ou le dossier électronique ne soit opérationnel.

Justice prédictive

La justice prédictive est définie par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice comme étant « l’analyse de grandes masses de décisions de justice par des technologies d’intelligence artificielle afin de construire, pour certains types de contentieux spécialisés, des prévisions sur l’issue des litiges (montant des indemnités de licenciement ou de la pension alimentaire par exemple) » (p. 76) [2]. Cette définition fait référence à celle de l’intelligence artificielle, qui n’est pas unique (Sandra Mariot, Dématérialisation, automatisation et justice prédictive en procédure civile : notions et perspectives, SZZP/RSPC 3/2021, p. 280 ; Nadja Braun Binder, Künstliche Intelligenz und automatisierte Entscheidungen in der öffentlichen Verwaltung, SJZ 115/209, p. 468 ; Yannick Meneceur, L’intelligence artificielle en procès : Plaidoyer pour une réglementation internationale et européenne, Bruxelles 2020, p. 12). Il s’agit de la raison pour laquelle le groupe de travail interdépartemental « Intelligence artificielle » au Conseil fédéral soutient, dans son Rapport intitulé « Défis de l’intelligence artificielle » publié en 2019 (p. 7) [3], que l’intelligence artificielle peut être caractérisée – à défaut de définition – « par divers éléments structurels liés à l’utilisation des applications actuelles des systèmes d’IA. […] Les systèmes d’IA sont ainsi capables :

  1. d’analyser des données sous une forme que ne permettraient pas d’autres technologies dans leur état actuel en termes de complexité et de volume, notamment avec des algorithmes identifiant de manière autonome, par apprentissage, des caractéristiques statistiques pertinentes dans les données ;
  2. de faire des prédictions servant de base essentielle à des décisions (notamment décisions automatisées) ;
  3. de reproduire des aptitudes mises en relation avec la cognition et l’intelligence humaines ;
  4. d’agir de manière largement autonome sur cette base ».

La justice prédictive intervient donc après la dématérialisation de la procédure et fait appel à des procédés automatisés en recourant à des algorithmes (non-autoapprenants) mais également à l’intelligence artificielle (qui, elle, fonctionne avec des algorithmes autoapprenants/intelligents). La justice prédictive est par conséquent automatisée alors que l’inverse n’est pas exact.

Conclusion

Les définitions suivantes peuvent alors être retenues :

  • Procédure dématérialisée : Procédure se déroulant sur un support informatique et/ou télévisuel.
  • Procédure automatisée : Procédure régie entièrement ou partiellement par des algorithmes permettant le passage d’une étape à une autre sans intervention humaine.
  • Justice prédictive : Justice faisant appel à une intelligence artificielle qui réalise des calculs basés sur des statistiques d’évènements passés, afin de produire des probabilités du futur.

Pour aller plus loin : Sandra Mariot, Dématérialisation, automatisation et justice prédictive en procédure civile : notions et perspectives, SZZP/RSPC 3/2021, p. 271-282.

Auteur(s) de cette contribution :

Autres publications

Assistante FNS au sein de la Chaire de procédure civile et de droit des professions judiciaires à la faculté de droit de Neuchâtel ainsi qu'avocate à Neuchâtel, avec un intérêt particulier sur l'impact que peuvent avoir les nouvelles technologies sur la procédure civile qu'il s'agisse de sa dématérialisation ou de son automatisation.