Il est généralement admis qu’à l’heure actuelle, la blockchain est principalement liée à la création de monnaies numériques. Il convient cependant de s’intéresser aux innovations que cette technologie peut apporter aux cas d’usage hors cryptomonnaies. Par exemple, l’utilisation de smart contracts (ou contrats intelligents) peut être envisagée dans le domaine assurantiel. Le groupe AXA accorde une attention particulière à ce procédé. Il a été le précurseur en lançant, en 2017, la première assurance basée sur la blockchain. La « police Fizzy », qui permettait d’indemniser automatiquement un assuré en cas de retard de vol, n’a toutefois rencontré qu’un succès limité. Moins de deux ans plus tard, la compagnie d’assurance a stoppé cette application.

L’utilisation de smart contracts paraît intéressante pour les assureurs. Ce nouvel outil numérique permet un regain de productivité et d’efficacité en automatisant, d’une part, la relation entre l’assurance et ses partenaires et, d’autre part, l’exécution de certains contrats d’assurance. Les coûts de gestion d’un dossier en seraient par ailleurs amoindris. L’automatisation du processus permettrait notamment aux personnes assurées de toucher les prestations plus rapidement, en particulier en raison du fait que les délais de carence habituels seraient supprimés. Pratiquement, lorsqu’un événement (fixé selon des critères prédéfinis) se réalise, le versement de l’indemnité serait automatiquement déclenché, sans qu’il y ait besoin de l’intervention d’un tiers. Il va de soi que l’usage d’une telle technologie semble réalisable tant qu’il n’y a pas ou peu de pouvoir d’appréciation de l’assureur. Suivant cette logique, le risque d’abus en serait également limité puisque chaque indemnisation est effectuée à l’aune d’informations pertinentes enregistrées dans un dossier numérique figurant dans la blockchain et/ou sur la base d’informations fournies par un tiers externe (désigné par le terme « oracle »).

L’exemple d’Etherisc est très prometteur dans ce domaine. Cette start-up offre une plateforme qui permet de développer collectivement des applications décentralisées d’assurance et propose aux membres d’une communauté d’élaborer ses propres solutions d’assurance (https://etherisc.com/#products). La société est déjà opérationnelle avec une assurance contre les retards de vol. Elle a également développé un concept d’assurance contre les ouragans et contre les mauvaises récoltes pour l’agriculture.

Compte tenu du développement spectaculaire de la technologie 4.0 et de ses nombreuses particularités, il convient de veiller à ce que l’automatisation des relations contractuelles ne supplante pas les principes fondamentaux inscrits dans le Code suisse des obligations. À défaut, le législateur ne sera plus à même de garantir aux consommateurs une protection suffisante (Hug, La protection du consommateur face aux nouvelles technologies, in : Carron/Müller (éd.), 3e journée des droits de la consommation et de la distribution – Blockchain et Smart contracts – Défis juridiques, Bâle 2018, pp. 115-167).

Pour répondre à la question posée en titre, certaines compagnies d’assurance réfléchissent à une manière d’exploiter le potentiel de la blockchain et d’intégrer l’ « intelligence » des smart contracts dans leurs polices d’assurance. Par exemple, le groupe AXA envisage d’introduire ces nouveaux outils numériques dans le domaine de la prévoyance. L’application de cette technologie peut également être envisagée sur le plan des assurances sociales. Même si la technologie blockchain ne connaît actuellement que très peu de succès dans le monde assurantiel, il n’est pas exclu qu’à l’avenir cette innovation devienne incontournable.

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Assistant-doctorant dans la Chaire de droit de la sécurité sociale, à la faculté de droit à l'Université de Neuchâtel. En tant que membre du LexTech Institute, je m'intéresse particulièrement aux impacts de la révolution numérique dans le droit des assurances.