De nombreux projets de financement participatif avec utilisation de la technologie blockchain par l’émission de jetons numériques arrivent actuellement à leur terme. Ces projets à l’origine de levées de fonds s’élevant parfois à des montants équivalant à des dizaines voire à des centaines de millions de francs suisses ont contribué au rayonnement de notre pays dans le domaine de la fintech.

Entre 2017 et 2018, les autorités fiscales avaient permis aux entités émettrices de jetons numériques de comptabiliser une provision pour recherche et développement au moment de la levée de fonds. Cette provision passée à charge du bénéfice imposable devait être dissoute « au moment de la fin du projet » et il était convenu que les fonds restant à ce moment seraient soumis à l’impôt sur le bénéfice à ce moment. Il y a donc une grande insécurité sur la question de savoir à quel moment précis prend fin le projet.

La première étape d’une ICO consiste en la rédaction du whitepaper, document qui décrit de façon détaillée le projet à financer. Une fois convaincus, les investisseurs apportent leurs fonds en cryptomonnaies ou en monnaie fiduciaire. En échange, l’entité s’engage à développer le projet décrit et à fournir à chaque investisseur des jetons proportionnellement aux fonds apportés.

En 2019, l’AFC a publié un document analysant le traitement fiscal des différentes catégories de jetons par la Confédération. Ce document précise que l’obligation contractuelle de réalisation d’un projet déterminé justifie la comptabilisation d’une provision avec effet sur les charges. Cette provision doit être dissoute progressivement avec l’avancement du projet et, une fois le projet terminé, après la phase Go-Live, elle doit être ajoutée au bénéfice imposable de l’émetteur.

Dès 2018, plusieurs auteurs de doctrine suisse ont commencé à s’exprimer sur le sujet, sans pourtant arriver à une solution concrète et unanime. La même constatation peut être faite en lisant les documents officiels publiés par les autorités cantonales compétentes.

La question est donc de savoir quelle importance attacher au whitepaper et à la notion même de fin du projet. Y-a-t-il des critères universels pour toutes les ICO pour déterminer à quel moment un projet prend fin ? S’il est évident que la provision sert à couvrir les coûts de recherche et de développement liés au projet, qu’en est-il du développement ultérieur et de la phase de commercialisation et d’entretien ?

Selon les auteurs, deux conceptions sont concevables : (i) le projet s’achève lorsque le jeton est pleinement utilisable par l’investisseur ou alors, (ii) le projet pourrait être sans fin, en développement et implémentation continus. Indépendamment de la conception retenue, une analyse approfondie du cas d’espèce doit, selon nous, être menée chaque fois à partir de trois points de vue fondamentaux :

  • Celui de l’entité émettrice, pour laquelle la fonctionnalité complète du jeton est d’une importance fondamentale pour déterminer la fin d’un projet ICO (phases de développement ultérieur, de commercialisation et d’entretien potentiellement exclues de la provision) ;
  • De l’investisseur, qui considérera le projet dans lequel il a investi comme inachevé tant que ses attentes au moment de l’investissement ne seront pas satisfaites (phases de développement ultérieur, de commercialisation et d’entretien potentiellement inclues dans la provision) ;
  • Du whitepaper, qui sert de pont entre l’entité émettrice, l’investisseur et les autorités en charge de son approbation.

L’objectif de la réflexion étant de déterminer quelques règles afin de pouvoir définir la notion de fin de projet dans le cadre d’une ICO, les auteurs du présent blog proposent, dans un article qui sera prochainement publié (dans la revue Novità Fiscali, no 3, mars 2021), les principes suivants :

  • Selon une première conception, le projet s’achève lorsque le jeton est pleinement utilisable par l’investisseur ;
  • Selon une deuxième conception, le projet est potentiellement sans fin, en développement et implémentation continus ;
  • Indépendamment de la conception choisie, le point de vue de l’entité émettrice et de l’investisseur sont essentiels à l’analyse de chaque cas d’espèce ;

Les auteurs de la présente contribution plaident ainsi en faveur de l’attribution d’une importance centrale au whitepaper, document clé qui fait le lien entre le point de vue de l’entité émettrice et celui des investisseurs.

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Assistante doctorante pour la Chaire de droit fiscal de l'Université de Neuchâtel, avec un intérêt et une expérience particuliers en matière de taxation des jetons basés sur la blockchain et d'autres formes de financement participatif.